samedi 12 avril 2014

Littérature #14 - A moi seul bien des personnages (John Irving)

 

Naître nulle part à sa place

 

Hello hello les curieux! Je suis ravie et de plus en plus heureuse de vous retrouver chaque semaine (quel pied ce blog pour moi =) ). J'espère que vous allez bien et que vous êtes prêts à commenter cet article parce ce que pour la deuxième semaine consécutive, il y a un cadeau à la clé!

Aujourd'hui, je vais vous donner mon avis sur le dernier roman de John Irving, A moi seul bien des personnages.





© Elke Wetzig/CC-BY-SA

L'auteur

 

Comme d'habitude, je vais commencer par vous parler de l'auteur du livre, d'autant que c'est la première fois que je rédige une chronique sur une oeuvre de John Irving (mais pas la dernière, croyez-moi).

John Irving est né en 1942 dans le New Hampshire. Sa mère, une riche héritière, l'a mis au monde hors des liens du mariage sans dévoiler l'identité du père. Le petit John portait alors le nom de sa génitrice: Winslow. Plus tard, elle se maria à un certain Colin Irving, professeur de son état qui donna son nom au futur romancier. Ce n'est qu'à l'âge de 60 ans que l'auteur découvrit l'identité de son père biologique, malheureusement déjà décédé. Si je vous parle de ses origines, ce n'est pas pour cancaner, mais parce qu'elles marquent très fort l’œuvre de l'écrivain: mère élevant seule son enfant et absence plus ou moins forte du père sont des thèmes récurrents chez Irving. Autre thème récurrent: la lutte. L'écrivain fut en effet un élève médiocre à cause d'une dyslexie non diagnostiquée, mais un excellent lutteur. Et ce ne sont pas là les seuls thèmes récurrents dans ses livres car il aime mêler des références ouvertement personnelles à ses récits. Ainsi, Le monde selon Garp qui est son quatrième roman, mais aussi celui qui l'a véritablement lancé en 1978, est carrément présenté comme partiellement autobiographique.


Ses écrits sont également fortement influencés par ses auteurs et/ou ses oeuvres préférées (Dickens, Grass, Hawthorne ou encore par différents auteurs de théâtre comme c'est le cas dans A moi seul bien des personnages). 


La couverture

 

La couverture se résume à une photo en noir et blanc que je trouve assez jolie - notez qu'il est rare que je lise un livre dont la couverture ne me plaît pas. On y voit une personne, de dos, en train d'agrafer son soutien-gorge. Quand on y regarde de plus près, on ne peut s'empêcher de penser que cette personne est en fait un homme... mais je vous laisse en juger.

Je fais ici un aparté sur le titre français: "A moi seul bien des personnages" est en fait un morceau de citation tiré de Richard II de William Shakespeare, "Je joue donc à moi seul bien des personnages dont nul n'est satisfait". Pour une fois, je trouve la traduction du titre original (In One Person) bien trouvée!


 

 

Le quatrième de couverture

Adolescent, Bill est troublé par ses "béguins contre nature" pour son beau-père, ses camarades de classe et pour des femmes adultes aux petits seins juvéniles... Plus tard, il assumera son statut de "suspect sexuel" et sa vie entière sera marquée par des amours inassouvies pour les hommes, les femmes et ceux ou celles qu'on appellera bientôt transgenres. Dans ce roman drôle et touchant, jubilatoire et tragique, John Irving nous parle du désir, de la dissimulation et des affres d'une identité sexuelle "différente". Du théâtre amateur de son enfance jusqu'au bar hot où se joue la révélation finale, en passant par la bibliothèque où la sculpturale Miss Frost l'initie - tout d'abord - à la littérature, le narrateur s'efforce de trouver un sens à sa vie sans rien nous cacher de ses frasques, de ses doutes et de son engagement pour la tolérance, pour la  liberté de toutes les altérités.


L'histoire 

 

Avant toute chose, il me semble important de spécifier que ce roman n'est pas autobiographique. On pourrait se poser la question car non seulement il est écrit à la première personne, mais le héros est né de père inconnu, il évolue dans un milieu universitaire, entouré de lutteurs, il adore Dickens, il étudie à Vienne, devient écrivain... Autant de points communs avec l'auteur. A ce sujet, John Irving explique que s'il a voulu partager tous ces points communs avec son héros, c'est justement pour l'aider à se sentir plus proche de lui, mais la comparaison s'arrête là.

Pour plus de détails à ce sujet, je vous invite, quand vous aurez terminé mon article, à lire la très intéressante interview que l'auteur a donné au Nouvel Observateur.


Avant de vous donner mon avis sur l'histoire, je vais vous faire une confidence: pour moi lire John Irving, c'est un peu comme se glisser dans des pantoufles moelleuses et rassurantes. Je n'ai pas lu tous ses livres, mais un grand nombre quand même et il est certain que je vais tous les avaler. Ma rencontre avec lui s'est faite avec L'oeuvre de Dieu, la part du Diable qui se trouve d'ailleurs dans la liste des livres qui m'ont le plus marquée. A chacun de ses livres, je vis à peu près la même routine: les premières pages se dévorent, ensuite vient en général un passage que je trouve un peu longuet, qui m'ennuie même parfois et enfin, sans m'en rendre compte je m'installe dans l'histoire de manière très très confortable. Je m'attache aux personnages, même s'ils sont souvent un peu, voire beaucoup, bizarres, disons, hors-normes, mais j'aime les retrouver, je me sens en sécurité entre les pages de John Irving. Quand le livre se termine, je suis triste de quitter l'ambiance, triste de quitter les personnages. Je crois qu'Irving fait partie de ces auteurs qu'on aime ou qu'on déteste. Je comprends parfaitement qu'on n'arrive pas à entrer dans ses histoires, pour cela, je le rapproche un peu de Ian McEwan version Samedi.


A moi seul bien des personnages m'a fait le même effet, je dirais même que c'est un de mes préférés ou alors je dis ça parce que je viens de le terminer.... j'avoue, je ne sais pas. Certains passages m'ont ennuyées, toutes les diatribes sur le théâtre au début du roman étaient certes instructives, mais moi qui n'y connais rien en théâtre classique, je me suis un peu perdue. Le milieu du théâtre prend beaucoup de place dans l'histoire, il a son importance puisque, à l'époque, il était courant que les personnages féminins soient joués par des hommes. Et alors me direz-vous? Et bien il permet ici d'introduire le grand-père du héros, qui fait partie de la troupe de théâtre locale et qui ne joue que des rôles de femmes... Mais je ne vous en dirai plus. Si ce n'est que le grand-père de Billy est un des personnages principaux de l'histoire, personnage que j'ai trouvé éminemment sympathique: sa tolérance et le soutien discret qu'il porte à son petit-fils sont juste un régal pour les coeurs sensibles. Il n'est pas seul d'ailleurs à cristalliser cette tolérance qui devrait aller de soi, d'autres personnages aiment Billy tel qu'il est, comme Elaine, l'amie de toute une vie.  A moi seul bien des personnages est en effet avant tout un livre sur la tolérance, sur l'amour au sens le plus noble du terme. Je suis sortie de cette histoire en ayant envie d'aimer le monde entier, c'est vous dire.

Mais revenons à l'histoire. L'ambiance peut sembler spéciale puisqu'il y est question de... sexe. Encore, encore et encore. On y parle d'adolescents qui s'éveillent à la sexualité, mais, comme vous l'aurez compris, sur fond d'homosexualité, de transexualité et de bissexualité puisque je rappelle que Bill, le héros, est bisexuel. En ce sens, j'ai trouvé original que l'histoire se centre sur un personnage bisexuel car la bisexualité en littérature me semble moins exploitée que l'homosexualité qu'elle soit masculine ou féminine, d'autant plus qu'ici, l'auteur évoque les difficultés spécifiques inhérentes à la bisexualité. Ainsi Bill résume tout en disant qu'il n'est accepté ni par le milieu hétéro ni par le milieu homo. Partout il est un étranger. On le suit dans son parcours, de l'adolescence à l'âge mûr. On traverse les décennies et l'évolution des moeurs avec lui. On tremble et on pleure en silence devant l'apparition et les ravages du SIDA (les descriptions sont dures, mais justes il me semble, pudiques dans le sens où on ne tombe pas dans le pathos).
 
Je pense qu'il faut quand même une certaine ouverture d'esprit pour lire ce livre, Bill a des rapports sexuels avec des hommes, avec des femmes, avec des transexuels aussi. Rien de graveleux pourtant, l'auteur va droit au but, loin d'une ambiance pornographique: on est dans la description de la vie tout simplement. Par contre, il y a des relents d'inceste aussi, ce qui m'a mis mal à l'aise (était-ce utile?), sans parler de la famille de Bill qui compte un nombre incroyable de gays, lesbiennes et travestis (là c'était un rien exagéré, je trouve, niveau quantité au m2 dans la même famille, mais qui sait, c'est peut-être plausible, je n'en sais rien). Ca c'était pour les côtés que j'ai moins appréciés.


Gros point positif: outre qu'on suit le héros sur une très longue période (ce que j'apprécie beaucoup quand j'aime un personnage) j'ai adoré la somme de livres qu'on cite dans l'histoire. Oui oui, en plus des pièces de théâtre! A moi seul bien des personnages est un livre très riche en matière de références culturelles. En début d'adolescence, le beau-père du héros l'accompagne à la bibliothèque pour l'y inscrire. Par la suite, Miss Frost, la bibliothécaire, lui conseillera des livres en fonction des ses interrogations, de ce qu'il vit.... il trouve alors des réponses à ses questions et se découvre à travers les romans qu'il dévore. Cet aspect de l'histoire résonne en moi comme un écho, souvent au cours de ma vie, le bon livre a atterri dans mes mains au bon moment et je pense m'être construite et me construire encore au gré de mes nombreuses et diverses lectures.

Ce livre terminé, j'ai juste envie de me plonger à nouveau dans un des romans de John Irving! Mais non mais non, pas tout de suite, j'ai une PAL à vider!



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Ness Butterfly
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12 commentaires :

  1. superbe analyse. ce livre est dans ma PAL depuis pas mal de temps. j'ai lu plusieurs livres de cet auteur entre autre un mariage poids moyen qui m'a beaucoup amusée et il me plaît beaucoup. j'ai l'intention de lire tous ses livres moi-aussi. cette année dans le cadre de challenge ABC j'ai prévu "une prière pour Owen" mais au départ j'avais opté pour "à moi seul bien des personnages" ce sera pour l'an prochain. systématiquement un livre de John Irving et une nouvelle de Zweig , un de Yalom aussi et un du King of the world chaque année ....

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    1. Ooooh merci pour le compliment :) Qu'est-ce que ça me fait plaisir!
      Je n'ai pas encore lu "Un mariage poids moyen"... Maintenant que je tiens ce blog et que j'ai pas mal de bons retours sur mes chroniques littéraires, j'envisage de choisir mes lectures de manière un peu plus consciencieuse et réfléchie. Donc, dès que j'ai terminé ma PAL-qui-n'-en-finit-pas, j'attaque Irving de plein fouet, notamment. Au plaisir d'échanger sur nos lectures!

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  2. Coucou !
    Merci pour cet avis sur John Irving ! Je dois avouer que je n'ai lu aucun livre de cet auteur, même si je sais qu'il est incontournable (en même temps, il y a tellement de livres que je dois lire, que je ne trouve pas le temps pour tout faire :D )
    En tout cas, ton avis est très intéressant, et me donne envie de me plonger dans l'oeuvre de cet écrivain. Un jour, j'espère ! ;-)
    Juliette2a :-)

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    1. Salut!
      Avec plaisir :) Je te comprends, moi aussi il y a tellement de livres que je voudrais lire.... :D
      Je suis contente de te donner envie de le découvrir. Comme je le dis, je pense qu'on accroche ou pas... j'espère écrire d'autres avis sur ses livres, donc tu pourras toujours te contenter de ça en attendant de le découvrir par toi-même!
      Merci d'être à nouveau passée cette semaine en tout cas! <3

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  3. Je n'ai pas encore lu de livre de cet auteur non plus, je découvre donc.
    En lisant ta chronique, je me suis surprise à tourner la tête, une fois à gauche, une fois à droite, encore une fois à gauche, histoire d'analyser de plus près la couverture... De fait, ça pourrait être un homme ;-)
    Vi

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    1. De fait oui, ça pourrait.... et je vais te dire, je suis même persuadée que c'en est un! :p
      mdr

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  4. Curieusement, je ne suis pas surprise de voir que tu fais gagner du Stephen King :p

    Je ne crois pas avoir déjà lu du John Irving, je sais que c'est un auteur assez populaire mais pour l'instant je n'ai pas encore pris le temps de m'y mettre! Mais les thématiques de celui-ci me tentent, donc si je tombe dessus en bibliothèque, je le prendrai :D

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    1. Ahah! Oui hein :p

      Il y a tellement à lire, on ne peut pas être partout! Mais si tu le lis un jour, je serai ravie de savoir ce que tu en penses, via ton blog ou en privé.

      Gros bisous

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  5. Tiens, cela me donne envie de revenir à Irving que j'ai un peu délaissé.
    En tout cas, bien sympa, votre blog
    Liver

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    1. Et bien je suis contente de partager mes envies à moi et de les rendre communicatives apparemment :)

      Merci pour le compliment! N'hésitez pas à repasser alors!

      A bientôt j'espère :)

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  6. J'ai lu tous les romans d'Irving, jusqu'à aujourd'hui, avec gourmandise...Mais là, la traduction est tellement lourde, pâteuse, Josée Kamoun invente même des verbes qui n'existent pas ("...je m'objurguais même), la langue française n'est-elle pas assez riche, sans ajouter des mots ronflants, et moches à entendre ? Ce pourrait être un joli livre d'initiation, si la traduction n'était pas aussi maniérée, bref vieillotte. Dommage, pas sûre de lire le prochain... MM

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    1. Merci de m'avoir lue et d'avoir laissé un commentaire! C'est vrai que la traduction est maniérée, mais je dois dire que je l'ai assimilée à l'ambiance et que ça ne m'a pas dérangé. J'admets être passée au-dessus de ce verbe par contre *honte sur moi* J'espère quand même que tu liras le prochain, laisse-lui une seconde chance ;)

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